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Les récentes révélations de la pollution aux PFOS et PFAS par l’usine 3M de Zwijndrecht suscitent beaucoup de préoccupations quant aux atteintes environnementales et d’inquiétude concernant les effets possibles de ces substances sur la santé. Quel est l’impact de la présence de ces substances dans l’environnement sur la santé de la population et pour les travailleurs qui y sont exposés dans le cadre de leur activité professionnelle ?
Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées, numéros CAS : 355-67-1, 1763-23-1, 355-46-4, 375-95-1) sont une grande famille de plus de six mille composés organiques dont la chaîne carbonée est liée à des atomes de fluor. Les PFAS les plus connus sont l’acide perfluorooctanesulfonique (PFOS) et l’acide perfluorooctanoïque (PFOA).
Ces substances chimiques repoussent l’eau, les graisses et la poussière et c’est pourquoi elles sont utilisées dans de nombreux produits de la vie courante tels que des vestes imperméables, produits de nettoyage, lubrifiants, emballages alimentaires ou poêles antiadhésives (au téflon). On en trouve aussi dans les mousses anti-incendie. Les mousses fluorées au PFOS sont toujours utilisées contre les incendies industriels, mais ont été abandonnées par les services d’incendie civils qui utilisent désormais des mousses extinctrices dites pauvres en fluor, contenant des chaînes PFAS plus courtes.
Les PFAS ne se décomposent pas ou très peu dans l’environnement et polluent les sols, les eaux souterraines et les eaux de surface, ce qui leur a valu le surnom de produits chimiques éternels (forever chemicals).
Via la pollution des sols et de l’eau, les PFAS peuvent aboutir dans les cultures alimentaires, l’alimentation du bétail et l’eau potable. Une telle pollution a été constatée récemment dans les masses de terres déplacées pour les travaux de la jonction Oosterweel du ring d’Anvers. Aux États-Unis, une pollution par ces substances en Virginie occidentale a débouché en 2017 sur un règlement de 671 millions de dollars à charge de la société DuPont, à l’origine de la contamination.
Des émissions atmosphériques peuvent également se produire. Une récente étude américaine (de mai dernier) a ainsi mis en évidence le dépôt d’importantes quantités de PFAS associé aux précipitations de printemps dans l’Ohio.
Beaucoup de PFAS sont encore mal connus. On sait déjà que certains (tels que le PFOS et le PFOA) peuvent être nocifs pour la santé.
L’apparition ou non d’effets sur la santé dépend entre autres de la quantité de PFAS accumulée dans l’organisme au fil du temps. Il s’agit en effet de substances qui ne sont pas métabolisées et qui s’accumulent dans les êtres vivants : une fois absorbées, on ne s’en débarrasse pas vite. Leur demi-vie dans l’organisme est de deux à dix ans pour le PFOA et de trois à vingt-sept ans pour le PFOS.
C’est surtout par la nourriture et l’eau que nous sommes exposés aux PFAS, mais aussi par la respiration et de manière plus limitée par le contact avec la peau. La transmission de la mère à l’enfant via le placenta ou le lait maternel est également possible. L’allaitement maternel reste cependant recommandé, car ses avantages pour l’enfant restent nettement supérieurs aux inconvénients de l’exposition possible aux PFAS.
Selon l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), sur base d’études épidémiologiques, un lien avec les effets suivants sur la santé a été établi :
D’autres effets sur la santé mis en évidence par des études épidémiologiques chez des animaux n’ont pas (encore) ou pas suffisamment été prouvés chez l’homme :
En raison de ce risque possible, les PFAS sont classés par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) dans le groupe 2B des « substances peut-être cancérogènes pour l’homme » (= il y a des indications que ces substances peuvent provoquer des cancers chez l’homme, mais on n’en a actuellement pas de preuves suffisamment convaincantes).
Il n’y a en tout cas pas d’effets aigus attendus en Belgique dans la population générale. En Flandre, selon une étude publiée en mars 2020 dans la revue « Chemosphere », les taux de PFOS, PFOA, PFHxS et PFNA dans le sang d’un échantillon de 1 471 personnes sont « comparables à ceux d’autres pays occidentaux ». Cela n’en signifie pas moins que 77 % des adultes ainsi testés en 2014 avaient un taux trop élevé de PFOS et PFOA dans le sang.
La question revient souvent et elle est pertinente, car les PFAS pourraient avoir un effet sur le système immunitaire humain, et donc affaiblir la réaction du système immunitaire à la vaccination. Les nouveaux vaccins anti-Covid n’en demeurent pas moins efficaces. Ils ont été testés sur de grands échantillons de population or, presque toute la population a une quantité plus ou moins importante de PFAS dans le sang, donc aussi les personnes sur lesquelles l’efficacité des vaccins a été testée ! La mesure de l’efficacité des vaccins actuels contre la Covid-19 tient donc indirectement compte de la présence de PFAS dans la population.
Plus qu’aux mesures et valeurs de seuil de présence dans le sol, les eaux souterraines ou l’air, nous nous intéresserons ici aux PFAS en tant que « biomarqueurs ». L’exposition professionnelle ou environnementale aux PFAS (tels que le PFOS et le PFOA) peut en effet être objectivée par l’analyse d’un échantillon sanguin témoignant de l’exposition récente, mais aussi d’expositions plus anciennes, étant donné la longue durée de demi-vie de ces substances.
Malgré les connaissances actuelles sur les liens entre l’exposition aux PFAS et des effets possibles sur la santé (voir plus haut), on ne peut pas dire ou prédire individuellement à partir de quel taux de PFAS dans le sang de tels effets se produiront. Il n’est donc pas possible de donner d’autres conseils que des recommandations d’ordre général pour un mode de vie sain.
Pour éviter des effets sur la santé, les concentrations de PFAS dans le sang ne devraient pas dépasser les valeurs suivantes :
Pour rappel, en Flandre, une étude récente a mis en évidence des taux sanguins de PFOS et PFOA respectivement supérieurs à 5 µg/l et 2 µg/l chez 77 % des personnes testées.
Les autorités flamandes vont à présent donner à huit cents habitants de Zwijndrecht et des environs (dans un rayon de trois kilomètres de l’usine 3M) l’occasion de se faire tester. Les personnes entrant en ligne de compte recevront un code pour prendre rendez-vous pour une prise de sang via un système de prise de rendez-vous. Les prises de sang seront réalisées par l’Institut provincial pour l’hygiène dans un lieu central de Zwijndrecht et seront analysées par le seul laboratoire de Belgique en mesure de le faire, à savoir (assez ironiquement) celui de 3M.
Les résultats sont attendus pour mi-octobre 2021. En cas de résultats individuels préoccupants, le médecin généraliste pourra examiner dans le cadre d’une visite de routine s’il y a lieu de mesurer le taux de cholestérol, les enzymes hépatiques ou éventuellement les hormones thyroïdiennes.
Les résultats des prises de sang et les données du questionnaire rempli par tous les participants seront également traités collectivement. Combinés à d’autres analyses (du sol, des légumes), ils permettront d’évaluer s’il y a lieu d’adapter les mesures de précautions prises dans la région. Les résultats collectifs serviront aussi à mettre au point un biomonitoring de la population qui débutera quelques mois plus tard.
Il n’y a pas de traitement possible pour débarrasser l’organisme des PFAS. Ce n’est qu’en limitant autant que possible les nouvelles contaminations que l’on peut faire baisser lentement la quantité de PFAS dans l’organisme. Il est dès lors recommandé aux habitants de la région de Zwijndrecht de ne pas consommer les fruits et légumes de leur jardin ou les œufs de leurs poules.
Toute la population belge est exposée à des degrés divers aux PFAS. Il n’y a pas d’effets aigus attendus dans la population générale. Un suivi de l’exposition des habitants de Zwijndrecht et environs à ces substances est cependant souhaitable afin d’identifier d’éventuels effets à long terme.
Il n’y a pas lieu pour le moment de faire examiner le personnel des entreprises de la région de l’usine 3M. Un biomonitoring n’est à envisager que pour les travailleurs exposés professionnellement aux PFAS (entre autres les pompiers).
Auteur: Edelhart Kempeneers, directeur médical Attentia
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