Attentia
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Bon nombre d'entreprises occupent, généralement sans qu'on en soit conscient, des travailleurs occupés isolément. Et ce nombre ne diminuera pas avec l'automatisation croissante que l’on connaît actuellement. Mais quand est-il obligatoire de prévoir une surveillance par une deuxième personne en cas d'occupation isolée ? Cet article donne un aperçu de la législation en la matière.
L'employeur est tenu, lors de la mise en œuvre d'un système dynamique de gestion des risques, de tenir compte des travailleurs occupés isolément. L’évaluation des risques est liée aux processus de travail envisagés et aux circonstances spécifiques dans lesquelles le travail doit être effectué.
L'art. I.2-4 du Code du bien-être au travail formule ce principe de la manière suivante :
Lors de l'élaboration, de la programmation, de la mise en œuvre et de l'évaluation du système dynamique de gestion des risques, l'employeur tient compte de la nature des activités et des risques spécifiques propres à ces activités ainsi que des risques spécifiques qui sont propres à certains groupes de travailleurs.
Les mesures prises sur la base d'une évaluation des risques sont axées sur la maîtrise des dangers et des risques qui en découlent. Une telle maîtrise est possible en intégrant les mesures de sécurité le plus en amont possible dans les méthodes de travail.
Cela conduit à la recherche de mesures organisationnelles, de mesures de protection collectives et/ou individuelles, mais aussi à des mesures de formation et d'information pour les travailleurs concernés, adaptées aux problèmes liés à une occupation isolée. Dans ce cadre, il incombe à l'employeur de prendre les mesures de protection nécessaires en vue d'offrir une première aide aux victimes d'un accident.
Par ailleurs, dans le cadre du système dynamique de gestion des risques, le service interne pour la prévention et la protection au travail doit être impliqué dans l’organisation des lieux de travail et des postes de travail et dans les facteurs d'ambiance.
Art. II.1-4 du Code du bien-être au travail formule cette exigence de la manière suivante :
Le service interne a pour mission d'assister l'employeur, les membres de la ligne hiérarchique et les travailleurs dans l'élaboration, la programmation, la mise en œuvre et l'évaluation de la politique déterminée par le système dynamique de gestion des risques.
Dans le cadre du système dynamique de gestion des risques, le service interne est chargé des missions suivantes :
6° donner un avis sur l'organisation des lieux de travail, des postes de travail, les facteurs d'ambiance et les agents physiques, chimiques, cancérogènes et biologiques, les équipements de travail et l'équipement individuel et sur les autres composantes de l'organisation du travail, du contenu du travail, des conditions de travail, des conditions de vie au travail et des relations interpersonnelles au travail qui peuvent engendrer des risques psychosociaux au travail.
Il n'a pas échappé au législateur que les dangers et les risques qui y sont liés n'ont pas tous la même gravité. Il classe dès lors les activités isolées en deux catégories, à savoir celles qui se déroulent dans des circonstances présentant :
La principale condition pour qu'un travailleur puisse être occupé isolément est qu'il dispose d'un moyen d'alarme approprié à une éventuelle situation d'urgence.
S'il s'agit d'une activité considérée comme à risque, ce moyen d'alarme doit consister en la présence d'une personne de surveillance.
Ces obligations figurent à l'article 54ter du Règlement général pour la protection du travail (RGPT).
Art. 54 ter
Tout travailleur occupé isolément dispose de moyens d'alarme appropriés aux circonstances.
Aucun travail à effectuer dans des conditions dangereuses ne doit être confié à un travailleur isolé. La présence d'une autre personne susceptible de donner rapidement l'alarme est nécessaire.
La terminologie utilisée dans cet article est examinée ci-dessous.
Aucun texte de loi ne précise la notion de 'travailleur isolé'. On admet généralement qu'il s'agit d'une personne qui se trouve à la fois hors de vue et hors de portée de voix de toute autre personne, ce qui exclut toute assistance rapide. De telles situations se présentent régulièrement.
Pensons par exemple à l'exécution de travaux par des travailleurs :
En cas de situation d'urgence, ces travailleurs ne seront ni vus ni entendus.
Sont plutôt visées ici les conditions à risque.
Il existe une différence fondamentale entre les notions de 'danger' et de 'risque'.
Ainsi, un danger doit être considéré comme une propriété intrinsèque attribuée aux cinq paramètres du système P(ersonne)E(quipement)E(nvironnement)P(roduit)O(rganisation).
Les interactions entre ces cinq paramètres peuvent générer des risques.
Lors de la mise en œuvre de l'évaluation des risques du contenu du travail, imposée par la législation, ces paramètres et leurs interactions doivent être systématiquement examinés.
L'employeur a l'obligation d'identifier et d'évaluer tous les risques potentiels liés à l'isolement du travailleur.
Une condition dangereuse correspond donc à une situation où un travailleur est exposé à un ou plusieurs dangers dus à un ou plusieurs des paramètres précités.
Le risque d'un fait générateur d'un dommage doit par contre être considéré comme un écart hypothétique à une situation dangereuse préalable, entraînant un dommage.
D'un point de vue scientifique, on peut définir le risque d'un fait générateur d'un dommage comme une combinaison de la probabilité de survenance d'un fait générateur d'un dommage (lésion ou affection) et de l'ampleur (la gravité) du dommage qui en découle :
R = Pd x G
où : Pd = Pi x Pexp x A
R = risque
G = gravité
Pd = probabilité de dommage
Pi = probabilité d'incident au travail
Pexp = probabilité d'exposition humaine
A = possibilités d'éviter le dommage
Outre la probabilité d'un accident (Pi), les conséquences possibles (G) contribuent bien entendu de manière déterminante au risque résiduel.
Les accidents entraînant une intoxication ou une asphyxie sont généralement fatals si l'on n'intervient pas à temps.
Étant donné que l'isolement d'un travailleur constitue un facteur aggravant en cas d'incidents (noyade, asphyxie, électrocution, etc.) et qu'une intervention rapide peut limiter l'ampleur des conséquences, il est justifié que l'employeur, dans de telles conditions de travail, doive doive prévoir l'utilisation de moyens d'alarme individuels ou la présence d'une deuxième personne.
Dans certaines conditions de travail (environnement pauvre en oxygène ou toxique), l'intervention des services de secours doit être la plus rapide possible afin d'éviter que les conséquences pour la victime soient irréversibles ou fatales.
C'est pourquoi il est important de constater les problèmes dès qu'ils surviennent.
Cela requiert une surveillance permanente.
Il faut ensuite prendre immédiatement des mesures pour extraire la victime des conditions dangereuses auxquelles elle est exposée.
La vitesse d'intervention peut être ralentie (allongement du temps d'attente) en raison de la localisation du travailleur (espace de travail confiné et étroit) ou de la période durant laquelle il effectue sa mission (sur un lieu de travail non isolé, mais en dehors des heures normales de travail, comme la nuit ou le week-end).
Les risques liés à une occupation isolée sont multiples et divers :
On peut conclure de ce qui précède que l'article 54ter porte sur des événements à risque (plutôt que dangereux) fortement caractérisés par la nécessité d'une intervention rapide auprès du travailleur isolé. Lorsque la nécessité d'une telle intervention n'est pas cruciale, bon nombre d'occupations isolées ne tombent pas dans le champ d'application de l'article 54ter.
On entend par moyen d'alarme, tout moyen permettant au travailleur même de se manifester ou d'appeler à l'aide.
Il est clair que dans les cas précités, l'appel à l'aide du travailleur doit pouvoir se faire au plus vite ; les moyens d'alarme mis à disposition doivent dès lors le lui permettre.
L'alarme ne peut être générée par des détecteurs de présence activés périodiquement.
Le choix du moyen d'alarme doit être adapté aux conditions de travail au sens le plus général du terme.
Lorsqu'il ressort de l'analyse des conditions de travail que le travailleur est normalement en mesure d'activer par lui-même l'appel à l'aide, l'utilisation de systèmes de communication vocale avec ou sans fil peut être admise.
Toutefois, si l'évaluation des risques démontre que ce n'est pas le cas (p. ex. en raison d'une perte de connaissance), il ne peut être fait usage d'un GSM ou d'un portophone. Il faut alors passer à un système d'alarme fonctionnant automatiquement.
Ces systèmes peuvent être fixes ou mobiles.
Comme systèmes fixes, citons les détecteurs de mouvement pour autant qu'ils couvrent toute la zone d'action du travailleur.
Ces systèmes sont toutefois peu utilisés en raison de certaines difficultés d'application, comme la présence d'angles morts, le fait que ce système ne soit pas approprié pour des travaux où le travailleur reste immobile.
Les systèmes mobiles zsont des systèmes qui sont portés par le travailleur même (attachés à la ceinture ou mis dans la poche du pantalon) et qui permettent de générer manuellement et/ou automatiquement une alarme.
Les moyens d'alarme mobiles peuvent être subdivisés en trois groupes, à savoir ceux qui ne génèrent une alarme que manuellement, ceux qui ne génèrent une alarme qu'automatiquement et les appareils qui combinent les deux systèmes.
Les appareils du premier groupe disposent d'un bouton-pressoir permettant de générer l'alarme lorsque le travailleur le juge nécessaire.
Certains appareils disposent d'un système qui détecte le détachement par traction, et dont l'effet est similaire à celui d'un bouton-pressoir. Ce système est surtout utilisé dans le secteur médical.
En ce qui concerne l'activation automatique d'alarmes, on peut distinguer quatre fonctionnalités :
Ces systèmes sont automatiquement activés lors de la mise en route de l'appareil et automatiquement désactivés au moment où l’appareil est éteint.
Ce type d'alarme suppose un contrôle permanent de la connexion entre l'appareil et un centre de télésurveillance interne ou externe.
Dans des cas spécifiques (en cas de travaux dans des espaces confinés et étroits), il est conseillé de prévoir une communication câblée, la communication sans fil pouvant être perturbée par les matériaux de construction utilisés et par le caractère confiné de l'espace.
Par ailleurs, la communication sans fil n'est souvent possible que dans un seul sens à la fois.
En cas d'utilisation des systèmes de communication précités, le caractère opérationnel (bonne communication entre toutes les personnes concernées) doit toujours être testé au début de l'occupation isolée
Pour les membres du personnel sans lieu de travail fixe (veilleurs de nuit) une intervention rapide requiert aussi une localisation rapide de l'incident.
Cette fonctionnalité requise localise l'alarme via une détection GPS (surtout à l'extérieur) ou via un système de balises (surtout à l'intérieur de bâtiments).
Pour ce dernier système, le travailleur peut être directement localisé grâce à sa présence dans une certaine zone autour de chaque balise. La localisation entre les balises proches est déterminée par le trajet à suivre par le travailleur.
Plus les balises sont rapprochées, plus la localisation sera précise.
A l'aide de la détection GPS, utilisée surtout en cas de travaux en plein air, le lieu de l'incident est déterminé de manière beaucoup plus précise.
Le système avec balises est surtout utilisé pour les travaux effectués au sein de vastes bâtiments en béton armé ou dont les structures sont principalement en acier.
Il va de soi aussi que dans les zones à risque d'explosion, les moyens d'alarme doivent être protégés contre les explosions.
En ce qui concerne l'occupation isolée, le législateur fait une distinction entre l'exécution de travaux (activités) pour lesquels :
Pour les travaux où une intervention peut s'avérer extrêmement urgente, la présence d'une autre personne est obligatoire. Cette personne ne doit pas avoir de qualifications particulières, mais doit disposer des capacités physiques et mentales suffisantes pour pouvoir donner l'alerte.
Cette personne peut être un travailleur, mais ce n'est pas obligatoire.
Ainsi, pour un chauffeur de camion, on admet qu'en cas d'accident de la route, il puisse compter sur une intervention suffisamment rapide des autres usagers de la route.
L'art. 53. c) du RGPT prévoit qu'en cas de travaux dans des puits, citernes, fosses, réservoirs, cuves, chambres de visite, appareils de fermentation et autres lieux analogues, les personnes désignées pour exercer la mission de surveillance sont également chargées de la mission de sauvetage de la victime se trouvant dans l'espace confiné.
Elles disposent pour ce faire des qualités physiques, de l'aptitude et de la formation nécessaires.
Il va de soi qu'après avoir extrait la victime de sa situation critique, la personne susceptible de porter secours doit disposer de moyens de communication efficaces pour appeler d'autres services (externes) d'intervention.
Notons à ce propos qu'il peut être nécessaire que la personne chargée de porter secours pénètre dans l'espace en question.
Il a cependant été constaté à plusieurs reprises que les tentatives de sauvetage improvisées, avec pénétration dans l'espace en question, ont été fatales pour le secouriste parce qu'il ne portait pas la protection adaptée et qu'il n'était pas conscient des dangers existants.
Pour les sauvetages sans pénétration dans l'espace en question (depuis l'extérieur), celui qui se trouve dans l'espace doit porter une ceinture ou un harnais de sauvetage qui, via une corde de sûreté, est tenu par la personne susceptible de porter assistance ou est relié de manière permanente à un point d'ancrage solide en dehors de l'espace.
En cas d'évacuation verticale, des moyens de levage sont en tout cas nécessaires à des fins de sauvetage. Ceux-ci doivent être prêts à l'emploi avant le début des travaux.
Art. 53.c) Surveillance et sauvetage éventuel des travailleurs intéressés
Les travailleurs occupés dans les lieux visés par le présent article, qui devront être ventilés durant le temps où ils y séjourneront, seront soumis à une surveillance continuelle et relayés aussi souvent que les circonstances l'exigeront. Une ou des personnes, selon les nécessités, seront spécialement désignées pour exercer cette surveillance, vérifier soigneusement le bon fonctionnement du dispositif de ventilation et opérer les sauvetages éventuels.
Les personnes chargées d'opérer les sauvetages éventuels auront à proximité d'elles le matériel nécessaire à cette fin.
L'art. 453.13 du RGPT prévoit qu'en cas de transports de travailleurs à l'aide de bennes, de paniers ou de dispositifs semblables à une seule suspente, ces activités doivent se faire sous la surveillance d'une personne désignée à cet effet.
Art. 453.13
Dans tous les cas, le préposé à la manœuvre garde le contrôle permanent du déplacement de l'engin.
Si les conditions d'emploi de l'appareil ne lui permettent pas de le suivre des yeux, un second préposé suit le déplacement et le dirige à l'aide d'un moyen de communication efficace.
Lors de l'exécution de travaux sur des cheminées d'usine, l'art. 462.bis du RGPT interdit de faire effectuer ces travaux par des travailleurs isolés.
Art. 462bis
Pour l'exécution de travaux de construction, de démolition partielle ou totale, de rehaussement, de réparation et d'entretien de cheminées d'usine en briques ou en béton, il est interdit, sauf dans les cas urgents ou exceptionnels :
…
g) de laisser effectuer les travaux par un seul ouvrier ;
Le Code du bien-être au travail contient lui aussi quelques articles traitant de l'occupation isolée.
L'art. III.5-58, alinéa 2, du Code concerne les travaux de réparation aux réservoirs souterrains de liquides inflammables, chaque travailleur devant effectuer son travail dans le réservoir sous la surveillance d'une personne de surveillance présente en dehors du réservoir.
Art. III.5-58, alinéa 2
A cet effet, les mesures suivantes seront prises :
…
6° les personnes devant pénétrer dans un réservoir ou un tank porteront une ceinture avec bretelles, reliée à une corde de sûreté aboutissant à l'extérieur et tenue par des personnes spécialement désignées pour surveiller et effectuer éventuellement les sauvetages, ou porteront un équipement offrant des garanties de sécurité équivalentes et répondant aux prescriptions de l'AR concernant la mise sur le marché des EPI ;
…
Pour les travailleurs dont le déplacement ou le positionnement se fait à l'aide de cordes, l'art. IV.5-18 du Code prévoit la présence obligatoire de personnes chargées d'un sauvetage éventuel.
Art. IV.5-18
L'utilisation des techniques d'accès et de positionnement au moyen de cordes se fait en respectant les principes et conditions suivantes :
…
8° aucun travail en hauteur effectué par la technique d'accès et de positionnement au moyen de cordes ne peut être confié à un travailleur isolé. La présence d'un autre travailleur susceptible de donner rapidement l'alarme et ayant les compétences sur les procédures de sauvetage est obligatoire ;
…
En cas de travaux en immersion aussi, l'art. V.4-22 du Code prévoit la présence obligatoire de personnes chargées d’un sauvetage éventuel.
Art. V.4-22
Sans préjudice du résultat des procédures déterminées en application de l'art. V.4-5, 1°, chaque équipe de plongée comprend au moins :
1° un plongeur ;
2° un plongeur secours ;
3° un chef des opérations de plongée qui assume également la tâche d'assistant de surface.
On peut constater qu'à côté de l'art. 54ter du RGPT, dont le champ d'application est général, plusieurs articles, que ce soit du RGPT ou du Code du bien-être au travail, prévoient explicitement la présence d'une personne susceptible de prêter secours.
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