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« Il est primordial de comprendre les pulsions qui poussent certaines personnes à en harceler d’autres sur lieu de travail », indique Elfi Baillien, experte en comportement indésirable et excessif au travail et professeure de bien-être psychosocial en ligne à la KU Leuven. « Nous devons être conscients du comportement humain afin d’orienter les processus de collaboration sur le lieu de travail dans la bonne direction ». Les responsables jouent à ce titre un rôle important.
Existe-t-il un profil unique d'harceleur ou de victime de harcèlement ?
Elfi Baillien : Non, pas plus qu’il n’existe de raison unique d’être victime de harcèlement ou d’en être l’auteur. D’après mon étude menée sur quelque 87 cas d’entreprises en collaboration avec deux collègues de l’université, le harcèlement trouve principalement son origine dans le stress au travail. Trop de pulsions donnent l’impression de ne pas avancer, de devoir accomplir des tâches contradictoires ou ambiguës, de devoir répondre à des attentes élevées... Tout cela donne lieu à des sentiments de frustration et d’impuissance. Je voudrais souligner ici un premier point d’attention pour les responsables et le département RH : tenez ce climat à l’œil et réfléchissez à la manière dont vous pouvez éviter de tels sentiments.
Car il en résulte un moment de frustration-agression ?
Elfi Baillien : les collaborateurs qui évoluent dans un tel climat se demandent « pourquoi est-ce que je me sens ainsi ? »’. À tel point que l’on transpose parfois - inconsciemment - nos frustrations intérieures sur d’autres personnes : « qui me tape ici sur les nerfs ? » On recherche inconsciemment un « souffre-douleur » pour y projeter notre propre malaise. Et cela commence par de petites remarques subtiles sur et envers l’autre. Si l’on se sent dominant ou meilleur que l’autre, cela survient plus rapidement encore. La personne (qui s’apprête à être) harcelée est une personne qui ne se sent pas bien et qui s’entoure d’un mur de protection. À l’origine, elle se trouve dans la même situation stressante que les autres, mais s’en distancie mentalement, ce qui la rend plus vulnérable encore. Elle en devient une victime facile pour ceux qui, en raison du stress, cherchaient un « souffre-douleur ».
Quel que soit le processus social, nous y sommes tous un jour confrontés, même en l’absence de stress ?
Elfi Baillien : C’est vrai, mais des conflits peuvent surgir. Il y a toujours des personnes avec lesquelles on s’entend moins, où la situation est plus conflictuelle. Lors d’un tel conflit, si l’on ne peut lâcher prise et que l’on campe sur ses positions, c’est là que commence le problème. Il s’ensuit une lutte de pouvoir, et celui qui en sort perdant est une fois encore une victime facile. Et très clairement, ce pouvoir n’est pas seulement hiérarchique. Une infirmière ayant un certain statut et de l’ancienneté peut ainsi reprocher à une jeune infirmière inexpérimentée des erreurs sans gravité et lui nuire par des ragots, sans être sanctionnée socialement. Le harcèlement peut également résulter d’un esprit de compétition sur lequel le management ferme les yeux, comme dans le cas des départements de vente où les gens ne partagent pas certaines informations ou les communiquent de manière erronée.
On recherche inconsciemment un « souffre-douleur » pour y projeter notre propre malaise.
Les responsables jouent dès lors un rôle important ?
Elfi Baillien : ils doivent s’assurer explicitement que les tâches sont claires, faisables et réalistes, et être en mesure d’intervenir le cas échéant. Le fait de laisser faire et de tout laisser passer ne mène à rien. Les gens pensent souvent : « vous êtes des adultes, vous trouverez bien une solution. » Mais ce n’est pas le cas. On observe souvent des différences importantes entre l’auteur et la victime : populaire contre impopulaire, dominant contre introverti, collaborateur fixe ou temporaire... Les responsables doivent avoir suffisamment de « compétences relationnelles » afin d’agir à temps et comme il se doit. Ils doivent identifier les conflits dès l’instant où ils surviennent et tenter d’apaiser l’atmosphère de manière cordiale. Parfois, les responsables ont bénéficié d’une précédente promotion, alors qu’ils ne disposent pas des compétences sociales adéquates. Parfois, ils adoptent les préjugés à l’égard de la victime. Agir en tant que médiateur n’est pas vraiment dans votre nature, ou n’avez pas de temps à y consacrer ? N’ayez pas peur de demander de l’aide à une personne extérieure, à des consultants externes ou à rediriger les intéressés vers une personne de confiance.
Un responsable doit-il donc toujours agir de manière pro-active ?
Elfi Baillien : En effet. Le harcèlement est un exemple indéniable de comportement inadapté et excessif au travail. De toute façon, les responsables doivent se demander : « Quelles normes et valeurs centrées sur l’individu souhaitons-nous promouvoir au sein de notre département ? » Comment faire en sorte que nos collaborateurs se sentent en sécurité sur le plan psychosocial au travail ?’. Tout doit être mis en œuvre afin d’encourager la réintégration, avec une résilience et une énergie retrouvée pour TOUS les collaborateurs. Osez-vous vous remettre en question. Une politique de prévention en matière de harcèlement et de comportement indésirable et excessif au travail est-elle en place ? Vous ne pouvez pas vous occuper de tout ou tout savoir ? Réorientez-vous et demandez conseil aux conseillers en prévention du bien-être d’Attentia ou informez-vous au sujet de leur programme de soutien psychologique pour les personnes ayant subi une expérience traumatisante au travail.
© 2022 Attentia. Le traitement de cet interview est autorisé sous réserve de mention de la source.
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